Confessions intimes d'un joueur de poker en détresse
Parce que le poker ce n'est pas que la victoire.Millions de dollars ammassés au coin d'un table un soir de juillet à Las Vegas, jolies filles à chaque bras, superbes voitures italiennes, hotel 5 étoiles, voyage en bussinness, sont les clichés qui font que le poker est si vendeur aujourd'hui.
Pourtant le quotidien du joueur amateur peut se révéler beaucoup moins glamour. Pour preuve ce témoignage déposé sur le forum Club Poker et qui m'a beaucoup touché.
J'ai donc demandé à l'auteur si je pouvais le publier sur ce blog.
Je vous laisse en sa compagnie et vous rappelle que pour tout problèlme lié au jeu, un numéro existe, celui d'Addictel : 0 805 02 00 00.
Voilà, c'est fini. Je viens de fermer tous mes comptes – 5 ou 6 rooms différentes en tout, y laissant traîner çà et là quelques dollars – du pipi de chat au regard des sommes démentes que ce vice m'aura couté. C'est fini; jamais plus je ne jouerai au poker. Mais comment tout cela est-il arrivé ?
Juin 2007. Je suis cadre dans une multinationale. Salaire confortable – 15 mois, voiture de fonction, avantages divers, statut social. Mais aussi stress, crainte permanente du lendemain, pression managériale chaque jour plus forte. Alors c'est la chute : plus de jus, plus d'envie, plus rien. Le burn out. Mon départ sera négocié, mes arrières assurées pour 23 mois – merci Assedic. J'ai devant moi deux années pour m'adonner – c'est du moins ce que j'ai initialement prévu – à mes passions. Lecture, écriture d'un roman – Buffone paru au éditions Persée, ésotérisme (je pratique le tarot divinatoire, hé oui ! Toujours ces fichues cartes...) mais surtout recherche d'un nouveau plan de carrière. Ah, j'allais oublier : pratique intensive du poker.
J'ai découvert le poker il y a 3 ans de cela. Moi qui aime le jeu en général vais tomber dingue – le mot est parfaitement correct – de celui-ci en particulier. Inutile de vous causer adrénaline, tension psychologique, fascination pour les cartes qui s'égrènent et tout le tintouin, vous connaissez tous, forcément. Les débuts sont enthousiasmants, je joue au feeling, je m'amuse, perds peu malgré tout mais m'oriente rapidement vers la lecture de bouquins spécialisés afin de devenir la terreur des tapis verts qui sommeille en moi.
Je mets en pratique les leçons qui parfois portent leurs fruits mais le plus souvent me mènent à mes ennemis jurés : le tilt et la malchance. Peu importe : la vente d'un appartement m'aura offert une substantielle plus-value. L'amie mastercard n'est jamais bien loin de l'ami poker. De déconvenues, maintenant inquiétantes, en courtes périodes de gains, les mois de juillet et août 2008 seront enfin très bénéficiaires au regard des sommes jouées. Je joue en NL 50 et ce mois d'août m'apportera près de 5K$ de gains. En jouant simplement de manière rationnelle. Sans tenter le diable. En utilisant simplement tous les outils mis à ma disposition : tracker, forums, livres... J'analyse mes parties : la différence se situe uniquement dans le fait que la majorité de mes mains favorites lors des all ins... sont - comme le disent tous les bouquins et toutes les tables de probabilités - gagnantes !
Mais la machine se grippe à nouveau.
Je disais malchance. Les cadors du forums, les matheux, les statisticiens répondent invariablement : long terme. Les gagnants vous jettent à la tête que le bon joueur ne se soucie pas de la chance. Je ris. Je précise que je ne suis pas – et de loin – un malade du all in. Pour tout dire je préfère l'éviter. Mais l'on sait que, selon le type d'adversaire, c'est parfois la seule solution surtout en heads-up (je pratique essentiellement le heads-up) Sur ces quinze dernier jours seulement – et c'est la tendance constatées depuis près de trois ans - sur 27 mains jouées all in péflop, sur 27 mains favorites j'entends, je ne passerai que... 22 % de mains. Vous lisez parfaitement : 78 % de mains qui devraient être gagnantes s'avèrent lamentablement battues ! Le constat est le même lors des all in au flop. Plus de 60 % de mes mains favorites se font arracher et le plus souvent – c'est plus drôle – à la river. Dans le même temps, seule deux mains outsiders passeront...
C'est la vie. C'est ainsi. On nait – ou pas – sous une bonne étoile. Je souhaitais juste dire à Monsieur Montmirel dont Poker Cadillac fut ma première lecture (bonne lecture initiatique au demeurant malgré ce qu'en disent certains monsieur-je-sais-tout du forum), je souhaitais donc dire à ce monsieur que cette phrase (je cite de mémoire, j'ai jeté hier soir tous mes livres de poker) : « et n'oubliez pas, en tête à tête même une paire de 4 est une véritable bombe ! », cette phrase – même si elle est mathématiquement correcte – m'aura coûté une véritable fortune et un paquet de nuits blanches tant pour moi, en tête à tête, même une paire de rois ou de dames s'avèrent de véritables poubelles !
Je finis en précisant que le poker ne fut que le révélateur d'un malaise latent. Que je ne prétends pas un être excellent ni même un bon joueur de poker. Je certifie seulement que, parfois, la chance distingue le joueur gagnant du jouer perdant. Et que de ne pas l'admettre, que de jurer aux grands dieux que seule l'intelligence et la rationalité permettent de gagner est un trompe-l'œil, un miroir aux alouettes qui peuvent mener jusqu'à la déraison et qui mettront à genoux des armées de candides.
Je suis aujourd'hui suivi par un psychiatre. Je vais mal, ma vie se balade sur un fil de soie qui ne demande qu'à se briser sous le poids de toutes mes folies. Et que le poids de ce maudit jeu pèse bien plus lourd que beaucoup d'autres. Je m'en sortirai sans doute – j'ai tout au fond de moi un instinct de survie plus fort que tout. Ce mot sera lu ou pas. Peu importe. C'était le dernier acte d'une tragédie qu'il fallait bien conclure un jour.
Bon vent à vous tous et prenez toujours garde au grand méchant loup qui nous guette toujours.