John Doe m'a tuer
Quel pari fou je me suis lancé! Tout plaquer pour vivre une aventure hors du commun soit, mais tellement difficile par moment.
Jouer des freerolls à longueur de journées n'est pas une sinécure, surtout lorsque comme moi, vous vous approchez du but quasiment à chaque tournoi et que finalement rien n'arrive, des heures et des heures passées derrière mon écran tout au long de la journée qui ne sont pas récompensées.
C'est la triste expérience que je vis depuis un moment dans ces tournois au méga field où les joueurs qui y participent sont là pour finalement passer une bonne fin de soirée :
- Dis moi chéri, il y a quoi à la télé ce soir ?
- Rien mon coeur c'est lundi...
- Ok merci, ça t'embêtes si je me fais un petit poker ? Ca fait un moment que je n'ai pas joué et puis j'ai vu une pub sur Canal+, si je gagne, je vais peut-être aller à la télé, jouer contre Chabal.
- Mais pas du tout, amuses-toi bien loulou, je vais me regarder la fin de la saison 4 de Desperates Housewives en DVD de toutes façons. Bonne chance, mais ne te couches pas trop tard, n'oublies pas que tu te lèves à six heures demain matin.
Pas de Dr House ni d'Experts-Manathan à l'horizon, la voie est donc libre pour Mr tout le monde, il va pouvoir empiéter sur mes plates-bandes.
Je le comprends au fond, il est là pour s'amuser lui. Et puis, tout comme moi il a bien vu ces millions de dollars amassés au coin d'une table dans les émissions télévisées présentées par Patrick Bruel, alors pourquoi pas finalement.
Les probabilités de décrocher la timbale sont tout de même beaucoup plus importantes que de toucher le jackpot de l'Euro-Millions du vendredi soir auquel il est abonné semaines après semaines depuis sa création.
Toujours est-il, qu'il me fatigue, je le croise sans cesse, tables après tables, minutes après minutes, curseur à droite toute semble être sa seule devise.
Je dois esquiver ses coups, je n'essaie pas de lui mentir sinon il me corrige. Je dois faire fis de ses maniaqueries, de sa désinvolture, de ses blagues vaseuses et de sa bonhomie habituelle et permanente.
Heureux comme un coq en pâte quand il s'aperçoit que son voisin de droite est résidant de Valras-Plage, lieu de ses dernières vacances.
Je n'ai qu'une hâte, qu'il s'en aille, qu'il retrouve sa douce déjà endormie télé allumée...Pourtant, il est toujours là, tout près de moi, épiant chacun de mes mouvements et ricanant à la vue de mon tapis. Quant au sien, je pourrais nager dedans tel Picsou dans ses dollars.
Peu importe, il a la grinta ce soir, il gagne main après main, son défilé de 7 et de 2 est entamé depuis plusieurs heures déjà quand finalement je décide de me lancer à bout de souffle, pocket pair à peine correcte en main, éreinté après plus de 4h15 de jeu.
Je suis alors en 16 ème et dernière position sur 1500 joueurs au départ, 9 joueurs seront de la fête. Je traîne cette place de cancre du tournoi depuis plus de deux heures déjà.
Lui est là face à moi, 1er et fier de l'être, à l'autre bout de la table. La case Call-Any auto-enclenchée, le flop tombe vite, trop vite et je n'ai plus alors qu'à m'éclipser.
John Doe passera une bonne nuit ce soir. Demain matin lors du petit-déjeuner, un peu fatigué par sa courte nuit de six heures, il fanfaronnera devant le petit Johnny en lui disant que bientôt papa risque de devenir riche et célèbre mais qu'il garde la tête froide et puis sa journée commençera.
La mienne ne sera jamais vraiment terminée, à peine l'aurai-je-quitté, que je le retrouverai sur une autre table quelques minutes plus tard et je le rencontrerai encore demain et après demain et le jour d'après...
Chronique d'un joueur de freerolls désabusé...