Interview de Julien «Nori» Labussière... Profession balla !
Un julien en chassant un autre, c’est au tour de Julien « Nori » Labussière de passer sur le grill ! Bien que venant d’un milieu modeste, le jeune homme de 21 ans aime à se définir comme étant un « balla ». Terme qui désigne une personne qui gagne beaucoup d’argent et qui peut s’offrir ce qu’il souhaite sans difficulté. « Un frimeur, un petit branleur en gros !» Allez-vous peut-être me rétorquer… En fait, quand on rencontre Nori et que l’on gratte un peu, on se rend assez rapidement compte qu’il ne s’agit que d’un jeu pour lui, lui permettant d’amuser la galerie… Pour moi, il a plutôt tous les attributs du gendre idéal !
Il est une des figures emblématiques du zoo sur le Club Poker, un garçon au visage juvénile qui semble tout droit sorti de l'adolescence et qui oscille toujours entre 2 ème, 3 ème et 4 ème degré lors de ses interventions. Nori c’est aussi et surtout un excellent joueur de cash-game online. Comme il le raconte dans l’interview qui suit, il a gravi chaque barreau de l’échelle à la force de sa souris.
En septembre dernier, j'enfilais pour la 1 ère fois mon costume de GO poker live. Direction Marrakech et organisation du déplacement de 35 joueurs du Club Poker sur invitation de Roger Hairabedian et du casino Essaadi. Une organisation lourde qui m'avait demandé beaucoup de temps, entre sélection des partants, gestion des désistements, composition des chambres, mise en place des navettes, management du groupe sur place et j'en passe.
35 joueurs et 35 personnalités différentes. Nori était du voyage. Dans un 1 er temps partant, il avait ensuite renoncé, puis était revenu sur sa décision. La veille du départ, il n'avait toujours pas de passeport...
Je découvre alors un jeune homme timide et énigmatique, loin de l'image qu'il projette sur le Club Poker. Nori ne semble pas facilement à l'aise avec les gens qu’il ne connaît pas, mais n'en reste pas moins capable de toutes les folies une fois la glace brisée. Il sera d'ailleurs sur place, au centre d'un épisode devenu quasi-mythique dans la pokersphère. Mais comme on le dira plus tard, tout ce qui s'est passé à Marrakech doit rester à Marrakech ! Moi je dirais plutôt : Il faut que jeunesse se passe !
Quelques jours auparavant, il avait été invité par le groupe Partouche lors de la finale du PPT en récompense du temps passé et de son volume de jeu sur la poker room du groupe. Une finale Cannoise où il s'illustrera en terminant en 21 ème position pour 23 200 € de gains. A son retour du Maroc, il signera un contrat de sponsoring avec le célèbre casinotier qui lui permettra de jouer les plus beaux tournois du circuit européen et de s’envoler pour la 1 ère fois de sa vie à Las Vegas dans quelques jours pour y disputer les WSOP.
A ce moment là, le rêve s'enclenche... Lui le réservé peu enclin aux sollicitations médiatiques, se retrouve intégré à un team aux côtés de personnages haut en couleurs tel qu'Antonin Teisseire et Alain Roy. Malheureusement, malgré le talent reconnu du jeune homme, il ne réalisera pas de performances significatives. Au contraire, il sera très souvent éliminé lors du day 1 des tournois auxquels il participera, bien souvent à cause de bad beats.
Je vous propose donc de partir à la découverte de ce jeune limougeaud que beaucoup connaissent, mais dont on ne sait pas grand-chose finalement…
Salut Julien, je sais que tu pars à Las Vegas dans quelques jours, alors merci d’avoir pris de ton temps pour répondre aux quelques questions qui vont suivre.
Pour les lecteurs de ce blog qui ne te connaitraient pas encore, est-ce que tu peux parler brièvement de ton parcours poker depuis tes débuts ?
J’ai commencé le poker fin 2007 après que plusieurs amis m’aient parlé de ce jeu. Puis je suis tombé sur le Club Poker et sur les graphs des ballas de l’époque sur lesquels on pouvait voir des mois à 30k$.
J’ai donc déposé tout mon patrimoine sur une room, c'est-à-dire 5$, puis j’ai commencé à jouer en cashgame sur la plus petite limite ; blind 0.01/0.02$. J’ai monté les limites progressivement jusqu’à jouer aujourd’hui principalement en 3/6, 5/10 et 10/20, parfois jusqu’en 25/50 voire 50/100 si un fish est présent à table.
Concernant mon sponsoring avec Partouche, j’ai commencé à jouer sur la room dès son ouverture en décembre 2008. J’ai eu des résultats réguliers en cashgame et j’ai réussi à me qualifier online pour quelques super satellites à 1075€ qui ont lieu en live un peu partout en France. J’ai ensuite fait le main event à Cannes en septembre 2009 où après un deeprun de plusieurs jours je termine en 21ème position pour 22000€. A la suite de ça Partouche m’a proposé un contrat de sponsoring.
Hormis les avantages financiers évidents, concrètement le fait d’être sponsorisé par un grand groupe, ça apporte quoi au jour le jour dans la vie d’un joueur ?
Déjà, au niveau de l’expérience dans le jeu c’est évidemment incroyable de pouvoir jouer des EPT et WPT à 5000€ et plus, carrément un autre monde pour moi qui vit encore chez mes parents dans un HLM de banlieue. Après, en à peine 8 mois j’ai l’impression d’avoir pris 5 ans d’expérience tellement le rythme de vie fait que tout est plus intense, c’est quelque chose d’assez impressionnant.
La plupart des joueurs amateurs qui vont lire cette interview rêvent un jour d’avoir la possibilité comme toi d’être remarqué par un sponsor. Quels conseils peux-tu leur donner pour y parvenir ?
Je pense qu’il ne faut pas se mentir, il faut surtout se trouver au bon endroit au bon moment. Ensuite, c’est mieux d’être bon, faire des résultats et savoir parler devant une caméra.
Quels events prévois-tu de jouer cette année lors des WSOP ?
Malheureusement, j’ai loupé les tournois short handed, je jouerai donc le 1500$ shootout le 21 et probablement pas mal de 1000 et 1500$ puis un 2500$ avant de passer aux choses sérieuses avec le Main Event.
Il y a quelques mois, tu as créé un blog sur lequel tu publies des billets à mi chemin entre auto-flagellation et désillusion. Quand on lit ton blog, Nori, l’amuseur public du Club Poker semble laisser place à Julien le torturé. Lequel de ses deux personnages es-tu réellement ?
Difficile à dire, je joue plus ou moins un rôle que ce soit sur le Club Poker ou sur mon blog, toujours en laissant une certaine part de vérité que je laisse soin aux gens de quantifier, c’est plus drôle comme ça.
Je me souviens avoir entendu Antonin Teisseire dire devant moi lors de l’Evian Poker Open : « un 3-Bet signifie miser 3 fois le montant de la big blind ». Pourtant, Alain Roy et lui, tes coéquipiers au sein du team Partouche n’ont rien à envier à ton palmarès. Sans vouloir porter atteinte à leur niveau de jeu, je sais que techniquement tu peux largement leur tenir la dragée haute. Alors dis-moi, tes résultats peu convaincants jusqu’à lors en live sont imputables : à la variance, à ton manque d’expérience ou bien à une pression que tu as du mal à gérer ?
La transition du online au live n’est pas simple, et le problème de l’expérience et donc de la pression se sont posés sur les premiers tournois. Depuis maintenant plusieurs mois je pense m’être bien familiarisé avec ça et je n’ai plus la pression énorme que je pouvais ressentir lors de mes premiers tournois.
Après, je pense fonctionner de telle sorte que je me remets souvent en question, je passe du temps à réfléchir sur mon jeu, sur mon mental, et même s’il m’arrive de mal jouer ou de ne pas jouer certains coups de façon optimale, la variance y est pour beaucoup et j’ai quand même run extrêmement bad cette année.
Ce qui est aussi amusant c’est qu’on parle ici d’un échantillon de 10-15 tournois, 10 tournois sans itm est-ce que c’est vraiment quelque chose d’inquiétant ? C’est une chose que j’ai rapidement constaté, la plupart des joueurs de live ont du mal avec le concept de variance, et j’en vois énormément être results oriented et penser que ne pas faire itm sur 5 tournois c’est forcément avoir des erreurs dans son jeu. Allez dire ça à des joueurs de mtt online qui, bien que le niveau soit plus élevé online, ne font rien parfois pendant plus de 100 tournois... En live 100 tournois c’est quelque chose d’énorme, voilà pourquoi le long terme n’existe pas. La variance est inhumaine, il faut bien s’en rendre compte.
Ton efficacité en tournoi live doit sensiblement être du même ordre que celle de Nicolas Anelka devant une cage vide. Je suis donc tenté de dire Partouche et Pringles même combat ! Dis-moi, te retrouver en tête à tête dans un ascenseur avec Patrick Partouche, c’est ta plus grande angoisse ?
Ma plus grosse angoisse je ne sais pas, je serais simplement désolé. Ca fait toujours chier de décevoir des personnes qui vous ont fait confiance et qui ont cru en vous, tout simplement.
Ton contrat de sponsoring expirant après les WSOP, Las Vegas est donc est ta dernière occasion de t’illustrer cette saison. Si jamais ton contrat venait à ne pas être renouvelé, comment crois-tu que tu vivrais ce « retour en arrière » ?
Clairement je serais déçu mais je ne pense pas réellement mal le vivre, la vie de joueur sponsorisé est difficile quand on ne perf pas. On passe beaucoup moins de temps à grinder et on adopte quoi qu’il arrive un style de vie où on va être amené à dépenser beaucoup d’argent. Les rares fois ou je joue quand je suis en voyage c’est dans mon lit dans ma chambre d’hôtel, souvent fatigué, laptop sur les cuisses. Pas très optimal.
Quand je rentre chez moi j’ai tout sauf envie de me mettre à jouer et j’ai à chaque fois besoin de quelques jours de repos. Pour peu que les tournois soient rapprochés, ça devient très difficile. Puis j’aimerais passer mon permis et m’acheter un appart, ça demande un peu de temps, j’aurais peut-être l’occasion de m’y mettre.
Entre toi et moi, à combien chiffres-tu le montant de tes pertes cumulées lors de tes sessions en heads-up cash game online face à Big Roger ?
Je dirais entre 5 000 et 8 000 $ au total. Je me souviens aussi d’une grosse session en 10/20 ou on jouait avec Basou et Garrincho ( ndlr : deux joueurs online cash-game réputés) où il avait réussi à monter un stack de 25 000 $. Il marchait sur l’eau, c’était beau. (J’avais fini even, pas moi le responsable).
D’ailleurs, peux-tu nous parler de la sensation que ressent un bon joueur online, après avoir perdu plusieurs caves face un sexagénaire à l’index droit trois fois plus gros que sa souris et qui n’avait jamais touché un ordinateur de sa vie trois mois auparavant ?
Des larmes chaudes coulaient le long de mon visage d’éphèbe. Apres j’ai peut-être ri nerveusement, je crois que c’est tout. Sinon c’est un joueur impressionnant et j’espère qu’on aura l’occasion de rejouer ensemble dans le futur.
Pour te connaître, je sais que tu es un jeune homme timide et réservé. Par contre, je sais aussi que tu es parfois sujet à de violentes montées d’adrénaline, quand tu es derrière ton écran. Peux-tu nous raconter ton plus gros tilt à ce jour ?
Y’a quelques mois je fais monter un fish à 5000$ en NL600, je vis un enfer. Je me prends horreur sur horreur jusqu’au moment ou vient le suckout de trop, je soulève mon laptop puis me suis raisonné par une force invisible qui m’empêche de l’éclater contre le mur. Je repose donc mon ordi et me contente d’en mordre de toutes mes forces sa partie supérieure jusqu’au moment où un craquement se fait entendre. Mon écran vient de se fissurer et mon ordi est mort. J’ai pas pu dormir et j’en ai racheté un à 9h du matin le lendemain. Sinon j’ai cassé pas mal de trucs mais ça tend à disparaitre, j’ai un peu perdu en 50/100 récemment (un peu perdu en 50/100 ça commence à 20 000 $ je pense), je ne l’ai pas très bien vécu mais je suis resté calme. Je me soigne.
Est-ce que tu peux nous donner ta définition du mot « balla » STP ?
Aller en cours en hélico par exemple c’est un truc qui m’aurait plu, c’est balla !
En parlant de ballatitude, comme tu le sais, nous n’habitons pas très loin de l’un de l’autre. Il y a un bar à proximité de chez moi sur le plateau des Millevaches qui s’appelle : « Le 777 » où des regulars de la belote commencent à se passionner pour le poker. Si je t’invite ce week-end à participer à une partie de cash-game NLHE 1 pastis/2 pastis, tu viens ?
Oui, mais seulement si il y a des cacahuètes !
Une question posée par l’âme de SuperCaddy : « Je sais que ce qui s’est passé à Marrakech doit rester à Marrakech. Pourtant même les plus grands mythes finissent par tomber. Alors peux-tu nous dévoiler tous les mystères qui entourent la légendaire histoire de la poche à merde ? »
Je n’ai pas eu connaissance de cette affaire.