Vendredi 21 décembre 2012 !

Publié le par Xewod

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Vendredi 21 décembre 2012 – 16 h59 – Genève - Suisse.

En direction du canton de Berne, sur les routes enneigées helvètes, une berline allemande de grosse cylindrée roule à très vive allure. Dans le sens opposé, des hommes et des femmes, une pancarte à la main où il est possible de lire « France », tentent d’interpeller des automobilistes qui feignent de les avoir remarqués…

Moins de deux heures plus tard, arrivée à Gstaad, la berline roule au pas, puis s’arrête subitement à proximité d’un somptueux chalet. Une femme blonde, grande, raffinée, visiblement impatiente, éteint sa cigarette et se dirige avec un large sourire en direction du véhicule allemand. La portière du conducteur s’ouvre. Un homme apparaît : fin de trentaine, costume Armani confectionné sur mesure, chaussures Berlutti aux pieds et Rolex Daytona au poignet... Rapidement imité par une femme, toute de Dior vêtue, puis d’un adolescent Ipad de 3 ème génération à la main.

La femme à la cigarette avec une joie non-dissimulée et au fort accent alémanique s’exclame alors : « Bonjour et bienvenue chez vous monsieur ! ». L’homme, lui semble retrouver un peu de sérénité après avoir été pressé par le temps, répond sobrement : « Bonjour, je suis sincèrement désolé pour ce retard, la semaine a été très chargée ! ».

Il faut dire que notre homme est un hyperactif, comme quelques privilégiés, depuis des mois il a profité des largesses de la crise économique qui ébranle l’Europe tout entière et une bonne partie de la planète. Ses attributs de nouveau riche ne sont pas s’en rappeler que la grande majorité de la population de son ex-douce France souffre chaque jour un peu plus. Peu importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse !

Que de chemin parcouru en si peu de temps. Résident Genevois, Il est l’un des empereurs du jeu en France. Symbole de sa réussite, deux jours auparavant, à quelques pas de son luxueux appartement, Il a été reçu à diner par l’ancien président français, devenu depuis le mois de mai persona non grata dans son propre pays.

Début mai 2010, tous les signaux annonciateurs de la plus terrible crise économique jamais connue jusqu'à lors étaient rouges écarlates. Dans un premier temps, les gouvernants ont tenté de colmater tant bien que mal le craquèlement de la Grèce, première nation touchée. Mais rien n’y a fait ! La grande contagion était en marche…

Sur ordres du président américain Racbak Omaha et des membres du G8, le 6 mai, connu aujourd’hui sous le nom de «  jeudi opaque », les plus grands financiers de la planète ont œuvré pour dissimuler le krach boursier, en prétextant une panne informatique qui les avait obligés à suspendre les cotations durant de longues minutes à Wall Street en milieu d’après-midi.

Et puis tout s’enchaina : le cours du baril de pétrole a flambé au delà de 300 $, il y a bien longtemps que les gens ordinaires ne sortent plus leurs voitures du garage, quand bien même ils ne les ont pas vendues. L’euro a alors perdu plus de 70 % de sa valeur et depuis presque un an, toutes les nations européennes ont fait machine arrière en abandonnant la monnaie unique, pour revenir à leur ancienne devise. Jean Levi-Strauss, économiste renommé, ancien directeur général du Fonds monétaire international, fraîchement élu et plébiscité par plus de 80 % des votants au 1 er tour de la présidentielle, malgré ses efforts, n’a toujours pas réussi à redresser un tant soit peu la barre.

Notre homme lui, en juin 2010, à l’aube de la grande crise, avait décroché un poste stratégique dans le service marketing France d’une salle de poker en ligne, connue à l’époque sous le nom d’Himalaya Poker. Il est celui qui a eu l’idée géniale à l’ouverture du marché du jeu en ligne en France, d’offrir leur abonnement internet pendant un an à tous les nouveaux déposants. La campagne publicitaire qui supporta cette idée, a été vue en moyenne six fois par jour par chaque téléspectateur pendant six mois. Les inscriptions affluèrent par centaines de milliers et le piège se referma. Très rapidement, il devint responsable de ce service marketing, puis directeur France de la salle de jeu virtuelle avant de prendre le total contrôle du groupe et de le rebaptiser King Poker.

Plus la crise touchait les populations, plus le jeu trouvait écho auprès d’eux. Le gouvernement à cours d’idée pour sortir du marasme, a rapidement compris l’intérêt qu’il avait à laisser carte blanche à ces salles de jeu. Elles représentaient une occasion unique de faire rentrer des deniers en nombre dans les caisses de l’état. Au départ fixés à hauteur de 2 %, les prélèvements obligatoires se sont multipliées autour du poker en ligne, tantôt pour tenter de boucher le trou de l’assurance chômage, tantôt pour aider à verser les pensions des retraités, etc. Tant est si bien qu’aujourd’hui, la ponction étatique sur le jeu en ligne représente plus de 50 % des mises des joueurs.

Et puis à part jouer, que pourraient bien faire les cinq millions de clients de notre homme ? Tout est devenu si cher ! Les sorties au cinéma, au restaurant, ne font plus partie des habitudes de la majorité des gens touchés par la crise. Les activités culturelles, faute de fonds publics, ne sont plus supportées par l’état depuis des mois. Le poker, au moins permet à toutes ces personnes d’entretenir l’espoir d’un avenir meilleur et de se distraire en tentant d’oublier leurs soucis quotidiens. Alors chaque début de mois, ils attendent impatiemment le versement de leur maigre salaire ou du peu d’indemnités chômage qu’ils perçoivent encore, afin d‘en déposer une partie sur le poker room de l’homme à la berline. A la télévision, les émissions de téléréalité ont laissé place aux programmes poker en prime-time sur les plus grandes chaines, bien contentes malgré la crise, de pouvoir continuer à vendre à prix d’or leurs espaces publicitaires à des salles de jeu si généreuses.

Entrés dans le chalet, après une brève discussion à l’extérieur, l’homme paraphe tour à tour chacun des feuillets que la femme suisse lui tend. Pas peu fier de son coup, il a du user de ses influences pour acquérir la demeure très convoitée par de riches Oligarques Russes et autres Princes Koweitiens. Il faut dire qu’il a une histoire ce chalet ! Quelques années plus tôt, il avait été au cœur d’un imbroglio médiatico-judicaire très médiatisé qui impliqua le célèbre réalisateur franco-polonais propriétaire de la demeure : Gérard Manfeduzki, emprisonné depuis dans les geôles californiennes. Le cinéaste avait été interpellé en Suisse à la demande des USA qui exigeait son extradition. La France qui protégeait son ressortissant avait alors fait pression sur la Suisse pour que cette extradition n’ait pas lieu. Tout le temps que la procédure dura, le réalisateur avait été assigné à résidence dans sa prison dorée. Mais avec le grand emprunt de 2011 et ses 2000 milliards de francs consentis par les Etats-Unis à la France, l’ancien président de la république n’avait eu d’autres choix que de livrer l’homme de cinéma. La Suisse elle, a alors saisi le chalet pour couvrir les frais de procédures occasionnés et l’a mis en vente.

« Monsieur, aux noms de la Luxury Real Estate company of Switzerland et du canton de Berne, je tiens à vous féliciter pour cette acquisition ! ». Toute la petite famille est heureuse, cette résidence secondaire, ils en ont rêvé depuis des mois. Rendez-vous pris chez le notaire un mois plus tard , notre homme doit déjà repartir. Demain matin à 9 heures, il doit présider le conseil d’administration extraordinaire de son groupe à Paris. Un nouveau tournant important pour lui, puisqu’il va entériner l’acquisition de Piment Poker, l’un de ses principaux concurrents. Son rival et PDG de Piment Poker, Axel Sufyerd qui a longtemps résisté, a fini par céder aux propositions de rachat de l’homme à la berline. Le nouveau groupe, avec ses 8 millions de clients deviendra le leader du secteur. La belle histoire continue…

Avant cela, retour à Genève afin de dormir quelques heures et régler quelques dossiers urgents, avant de prendre l’avion le lendemain de bonne heure pour la capitale française. Sa femme et son fils, quant à eux resteront sur place, ils séjourneront dans un hôtel 5 étoiles de la station suisse pour profiter des joies de leur nouvelle terre d’accueil. Ils passeront noël tous ensemble sur place, l’homme les rejoindra dès le lendemain soir.

Seul sur la route, alors que la neige tombe à gros flocons et qu’il roule vite, l’homme est pensif et un brin nostalgique. Des images profuses qu’il n’arrive pas à chasser envahissent son esprit. Qu’il est loin le temps où seul dans son coin il a créé son petit blog poker. Ses rêves de World Series of Poker à partir de zéro, se sont évaporés. Bien sûr, chaque année en juillet il est à Las Vegas, mais l’unique but de ce voyage est de faire signer ses futurs poulains qui deviendront ambassadeurs de King Poker. Il se souvient de la Creuse et de ses brebis où il s’était exilé un temps pour se tenir loin des fastes d’une vie dont il n’avait pas envie. Son homologue belge Tsitram aux billets si délicieux, ancien fidèle parmi les fidèles, qu’était-il devenu ? Il n’a plus lu un seul de ses articles depuis presque deux ans  maintenant par manque de temps… Tous ses amis bloggers et joueurs de la league de freerolls qu’il avait créé, comment s’appelaient-ils déjà ? Il repense aussi aux nombreuses heures passées sur  le forum Cercle Poker, qu’il a racheté depuis et sur lequel son ancien chroniqueur Hyper Chariot occupe maintenant le poste de directeur général exécutif. Il a tout de même gardé un œil sur les chiffres du rake généré par son ancien ami et premier soutien, ZECFJ, devenu grindeur # 1 de sa poker-room.  Comment les émois de son 1 er tournoi live au casino Situladdi de Marrakech et sa rencontre avec Gros Robert devenu depuis champion du monde et sponsorisé par King Poker ont-ils pu si facilement disparaitre ? Il a bien reçu l’an passé un email de Dragila, sa  développeuse dévouée, qui lui disait être retournée vivre en Roumanie car la vie y était devenue moins pénible qu’en France. Il n’a jamais répondu.

Soudain, alors qu’il traverse déjà les 1 ers faubourgs genevois, au sortir d’un virage, la silhouette d’un jeune homme apparaît. Casquette King Poker vissée sur la tête et pancarte à la main, certainement encore l’un de ces néo-frontaliers, main d’œuvre à bas cout, qui rentre en France après une dure semaine de labeur. Comme toujours, l’homme roule trop vite et comme toujours il réussi à contourner l’obstacle, mais la berline dérape, les tonneaux s’enchainent les uns après les autres dans un vacarme assourdissant. La berline qui n'est plus qu'un amas de taule, finit sa course folle en s'encastrant dans l'un des monuments de la ville. Il ne sera pas à Paris le lendemain… Fin de la belle l’histoire !

Vendredi 21 décembre 2012 – 22 h59 – Genève - Suisse

Publié dans Humeur

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N
<br /> <br /> Dire que j'avais raté cet article......<br /> <br /> <br /> Bravo chris, belle nouvelle, très bien ecrite.<br /> <br /> <br /> Lu 1 an après mais c'est pas grave <br /> <br /> <br /> <br />
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W
<br /> <br /> bon deuxieme essai lol<br /> <br /> <br /> v<br /> <br /> <br /> <br />
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W
<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Vivement la prochaine nouvelle !<br /> <br /> <br /> Très intéressante en tout cas :-)<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Chapeau Chris ! tout a été dit !<br /> <br /> <br /> carpe diem...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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